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Alain Accardo Courses landaises - La Dcroissance - |
La France est un pays o des dcennies de gouvernement par la vraie
droite et/ou la fausse gauche, ont caus de vritables sinistres en
matire de politique conomique et sociale. Chaque jour, dans un
secteur ou dans un autre, on entend sonner le tocsin et les appels
angoisss des vigies qui crient au feu. Les voix les plus autorises
dnoncent le retard pris force dĠincurie, dĠabandon, dĠaustrit et
dĠindiffrence la chose publique de la part dĠun tat bien davantage
lĠcoute des grands intrts privs. Ç Attention, clament les mieux
informs, on nĠa dj que trop attendu, il faut intervenir dĠurgence
pour sauver ce qui peut lĠtre encore ! È Mais la seule urgence que
connaissent les puissants, cĠest le retour sur investissement ! Je partage, bien sr, les craintes exprimes par la plupart de mes amis et je souscris leurs diagnostics et leurs mises en garde. Mais je voudrais pour ma part insister sur le point suivant : Jamais aucune dictature nĠa pu se maintenir durablement par la seule force matrielle (militaire, conomique, etc.). La force nĠest accepte long terme que si elle sĠarrange pour paratre lgitime, cĠest--dire justifie par un principe suprieur. Ce qui exige un immense travail symbolique pour faonner et orienter la multitude des entendements et des sensibilits. Non pas pour les rendre plus aptes percevoir et comprendre la complexit des intrts humains, mais au contraire pour les en empcher. Le capitalisme est cet gard non seulement une vaste entreprise de spoliation et dĠasservissement des masses plbiennes par des oligarchies richissimes mais encore une entreprise de crtinisation systmatique du plus grand nombre, y compris au sein des diffrentes aristocraties ou lites, qui ont mme de Ç grandes coles È pour a. Dans les dmocraties bourgeoises, les mdias de la presse crite et audio-visuelle constituent lĠinstrument de beaucoup le plus efficace, plus encore que les appareils scolaires, de cet abtissement des populations indispensable un fonctionnement globalement consensuel du systme. En toute logique on devrait sĠattendre ce que la critique des mdias institutionnels soit une proccupation prioritaire de tous les opposants lĠordre tabli. Ce que lĠon peut constater en fait, cĠest que cette critique est reste pour lĠessentiel un travail savant, thorique qui nĠa pour ainsi dire jamais eu de consquences relles, si on excepte les quelques mesures lgislatives de restructuration inspires par le programme du Conseil National de la Rsistance, fugitivement, la Libration. Aprs cette courte parenthse, la production et la diffusion de lĠinformation sont redevenues ce que sont par dfinition tous les produits de lĠactivit humaine en systme capitaliste, des marchandises. Du coup, on ne saurait sĠtonner que lĠinformation demeure, dans lĠesprit de la plupart de ceux qui sĠoccupent de politique, les lus de Ç gauche È comme de droite, fondamentalement tributaire des postulats et des axiomes politico-conomiques du nolibralisme qui sous-tendent la dmocratie parlementaire bourgeoise et dont le mythe de la Ç libert de la presse È est une des expressions exemplaires. Il est tout de mme significatif que depuis le Programme commun PS-PCF de 1972 (soit 45 ans !), aucun courant, aucune force politique, aucun leader, nĠaient mis lĠordre du jour, intgr un programme, ni dcrt de ncessit imprieuse ou dĠurgence absolue, de casser les reins aux empires de presse qui sont des bastions reconnus, tout autant que les banques, de lĠordre capitaliste. Il semble que pour les ttes pensantes du monde politique actuel, en juger par leurs rapports ambivalents avec les grands mdias, la fois dtests et recherchs, mpriss et flatts, craints et instrumentaliss, les rdactions journalistiques soient devenues, aprs les corbeilles boursires, les vrais autels du culte dmocratique, les temples o quiconque ambitionne dĠexercer le pouvoir est tenu de venir, aussi souvent que possible, afficher sa dvotion au bien public, quitte se faire houspiller par les journalistes entre deux coups de brosse reluire. AujourdĠhui lĠactivit politique tient peu prs toute dans les effets dĠannonce, Ç la commĠ È, aussi sonore que creuse. Le vrai pouvoir, moins racoleur mais nettement plus efficace, est aux mains des multinationales, qui prfrent la discrtion. Les politiciens lus et leurs partenaires journalistes ne sont l que pour faire rsonner de leurs rpliques, en toute bonne foi et bonne conscience, le thtre dmocratique. CĠest pour la galerie, mais le maintien de cette fiction est essentiel la reproduction de la domination bourgeoise, et la dictature de lĠArgent ne peut pas se permettre dĠter son masque de lgitimit. Alors, journalistes salaris et reprsentants lus du Peuple, mme combat ? Ë certains gards, oui, au moins objectivement quand ce nĠest pas explicitement et intentionnellement. En tout cas, la question doit tre pose, plus encore aujourdĠhui quĠhier, de savoir si, dans le cirque politico-mdiatique tabli et sa logique de spectacularisation du monde, la vie politique mise en scne(s) par les mdias de masse peut tre dsormais quelque chose de plus srieux quĠune course de vaches landaises, un spectacle divertissant ou attristant, mais sans porte vritable. |