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![]() | « Une
autre chose me préoccupe : c’est le fascisme. On entend souvent le
Black Panther Party parler de fascisme et les Blancs ont du mal à
accepter le mot. C’est qu’il faut un très grand effort d’imagination
aux Blancs pour comprendre que les Noirs vivent sous un régime
oppressif et fasciste. Ce fascisme, pour eux, n’est pas le fait du seul
gouvernement américain, mais aussi de la communauté blanche tout
entière, qui est vraiment privilégiée. Ici, les Blancs ne sont pas
opprimés directement, mais les Noirs le sont, dans leur esprit et
quelquefois dans leur corps. De cette oppression, les Noirs ont raison
d’accuser l’ensemble blanc, et ils ont raison de parler de fascisme.
Nous, nous vivons peut-être dans une démocratie libérale, mais les
Noirs vivent, bel et bien, sous un régime autoritaire, impérialiste,
dominateur. II est important de commu-niquer parmi vous le goût de la
liberté. Mais les Blancs ont peur de la liberté. C’est une boisson trop
forte pour eux. Ils éprouvent encore une autre peur, qui ne cesse de
grandir, c’est de découvrir l’intelligence des Noirs. Ce que l’on nomme
la civilisation américaine disparaitra. Elle est déjà morte car elle
est fondée sur le mépris. Par exemple, le mépris des riches pour les
pauvres, le mépris des Blancs pour les Noirs, etc. Toute civilisation
fondée sur le mépris doit nécessairement disparaitre. » Jean Genet |
Aimé Césaire
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Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Le fait est que la civilisation dite « européenne », la civilisation « occidentale », telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial ; que, déférée à la barre de la « raison » comme à la barre de la « conscience », cette Europe-là est impuissante à se justifier ; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle a de moins en moins chance de tromper. L’Europe est indéfendable. Il parait que c’est la constatation que se confient tout bas les stratèges américains. En soi cela n’est pas grave. Le grave est que « l’Europe » est moralement, spirituellement indéfendable. Et aujourd’hui il se trouve que ce ne sont pas seulement les masses européennes qui incriminent, mais que l’acte d’accusation est proféré sur le plan mondial par des dizaines et des dizaines de millions d’hommes qui, du fond de l’esclavage, s’érigent en juges. On peut tuer en Indochine, torturer à Madagascar, emprisonner en Afrique Noire, sévir aux Antilles. Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles. Et puisque aujourd’hui il m’est demandé de parler de la colonisation et de la civilisation, allons droit au mensonge principal à partir duquel prolifèrent tous les autres. Colonisation et civilisation ? La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte. Cela revient à dire que l’essentiel est ici de voir clair, de penser clair, entendre dangereusement, de répondre clair à l’innocente question initiale : qu’est-ce en son principe que la colonisation ? De convenir de ce qu’elle n’est point : ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du Droit ; d’admettre une fois pour toutes, sans volonté de broncher aux conséquences, que le geste décisif est ici de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec, derrière, l’ombre portée, maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes. Poursuivant mon analyse, je trouve que l’hypocrisie est de date récente ; que ni Cortez découvrant Mexico du haut du grand téocalli, ni Pizarre devant Cuzco (encore moins Marco Polo devant Cambaluc), ne protestent d’être les fourriers d’un ordre supérieur ; qu’ils tuent ; qu’ils pillent ; qu’ils ont des casques, des lances, des cupidités ; que les baveurs sont venus plus tard ; que le grand responsable dans ce domaine est le pédantisme chrétien, pour avoir posé les équations malhonnêtes : christianisme = civilisation ; paganisme = sauvagerie, d’où ne pouvaient que s’ensuivre d’abominables conséquences colonialistes et racistes, dont les victimes devaient être les Indiens, les Jaunes, les Nègres. Cela réglé, j’admets que mettre les civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien ; que marier des mondes différents est excellent ; qu’une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s’étiole ; que l’échange est ici l’oxygène, et que la grande chance de l’Europe est d’avoir été un carrefour, et que, d’avoir été le lieu géométrique de toutes les idées, le réceptacle de toutes les philosophies, le lieu d’accueil de tous les sentiments en a fait le meilleur redistributeur d’énergie. Mais alors, je pose la question suivante : la colonisation a-t-elle vraiment mis en contact ? ou, si l’on préfère, de toutes les manières d’établir le contact, était-elle la meilleure ? Je réponds non. Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie ; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires ministérielles expédiées, on ne saurait réussir une seule valeur humaine. —
*Le Discours compte 6 parties qu’il serait dommage de méconnaitre alors qu’elles sont consultables… ICI |
![]() « Si nous nous révélons incapables de parvenir à une cohabitation et à des accords honnêtes avec les Arabes, alors nous n’aurons strictement rien appris pendant nos deux mille années de souffrances et mériterons tout ce qui nous arrivera. » Albert Einstein |
Yorgos Mitralias
Quand Einstein appelait « fascistes » ceux qui gouvernent Israël depuis 44 ans... Si
nous republions le texte qui suit, c’est parce qu’il est encore plus
actuel et plus utile que quand il a été publié pour la première fois en
août 2021. Pourquoi ? Mais, parce que Netanyahou et son gouvernement
sont en train de faire tout leur possible pour confirmer pleinement ce
que Einstein avait déjà constaté et dénoncé publiquement en 1948 : que
Menahem Begin et ses amis du Likoud, dont Netanyahou est l’héritier
idéologique et le fidèle continuateur de leur politique, sont des «
fascistes », des « racistes », des « criminels » et des « terroristes »
qui vont inéluctablement conduire Israël à la «.catastrophe finale ».
Nous n’avons pas le moindre doute que s’il était en vie, Einstein serait aujourd’hui en première ligne des manifest-ations de soutien aux Palestiniens de Gaza, au coude à coude avec les admirables jeunes juifs et juives de If Not Now, dont il serait très fier. Et qu’il serait d’accord avec un autre grand juif, le seul dirigeant de l’insurrection du Ghetto de Varsovie qui a survécu, le quo-fondateur du légendaire syndicat ouvrier polonais Solidarnosc Marek Edelman quand celui-ci établissait un parallèle entre l’insurrection du ghetto de Varsovie et le combat des Palestiniens. Évidemment, ce n’est pas un hasard si les photos des activités du mouvement juif pro-palestinien If Not Now illustraient déjà notre texte il y a plus de deux ans. Depuis, des centaines d’autres jeunes juifs sont venus grossir les rangs de ce mouvement anti-sioniste, capable aujourd’hui de mobiliser des milliers des manifestants presque partout aux États-Unis, au point que la grande dame du peuple Palestinien Hanan Ashrawi fasse sur Al Jazeera (29/10/23) leur éloge en soulignant combien leur lutte est précieuse aux Palestiniens à ce moment terrible de leur histoire. Assurément, leur combat si exemplaire représente plus qu’une lueur d’espoir maintenant qu’il est presque minuit dans notre siècle… La suite… |
![]() « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Frantz Fanon [et vice et versa] |
Tsedek !
Collectif juifs décolonial Pour
une parole juive décoloniale – En tant que militant·e·s juifs·ve·s
décoloniaux·ales, nous comprenons à quel point notre société est
structurée par son histoire coloniale et raciale. En tant que juifs et
juives, nous n’oublions pas que c’est aux États-nations européens que
nous devons notre destruction, celle de nos histoires et de nos
cultures. Que ce sont eux qui ont fait du Juif un parasite, un corps
étranger à l’État, justifiant les persécutions et l’extermination des
juifs et juives d’Europe. Eux encore qui ont causé l’arrachement des
juif·ve·s des pays arabo-musulmans aux sociétés qui étaient les leurs,
par la mise en concurrence des colonisé·e·s et le soutien qu’ils ont
apporté au projet nationaliste et colonial sioniste.
Aujourd’hui, l’État français et sa politique assimilationniste continuent d’abîmer les juif·ve·s. Ni trop visibles, ni trop barbares, nous sommes acceptables à condition de rester des victimes éternelles, pour permettre à l’État de se rêver comme notre protecteur. En réalité, il continue de fabriquer les conditions de notre disparition par son racisme et son rapport identitaire à la laïcité, la mise en avant d’une prétendue culture « judéo-chrétienne », et l’association des juif·ve·s français·es à l’État d’Israël – faisant de nous des citoyen·ne·s à part. L’histoire des communautés juives a donné naissance à des rapports multiples au judaïsme, à la judéité et aux non-juif·ve·s. Cette pluralité s’est heurtée aux murs de l’identité blanche des États-nations européens, qui ont fait des juifs l’une des premières figures de l’altérité. Né de cette modernité européenne, le sionisme a fabriqué une version réductrice, anhistorique et ethno-nationale de l’identité juive. Avec le soutien des pays occidentaux, il s’est constitué comme le prolongement du judaïsme, voire comme son incarnation, et a transformé notre expérience de la judéité en France. En faisant du discours religieux un discours nationaliste, le sionisme détruit et déforme les fondements du judaïsme et adopte précisément les structures à partir desquelles les juif·ve·s ont été historiquement exclu·e·s de la société occidentale : État-nation, colonialisme et race. La suite… |
![]() « Chez nous, plus aucune trace d’un quotidien honnête. » |
Sylvain Cypel
« Haaretz », dernier bastion de l’opposition juive en Israël « Israël est à la veille d’une révolution de droite, religieuse et autoritaire », titre le quotidien Haaretz
au lendemain des élections législatives israéliennes du 1er novembre
2022, qui ont confirmé l’ancrage d’une extrême droite fascisante et le
déni de l’oppression en Palestine. Si les forces traditionnelles de
gauche ont fait faillite, Haaretz,
journal libéral, maintient une ligne d’opposition conséquente aux
politiques officielles. Enquête sur un quotidien à nul autre pareil.
Arrivé en Israël, vous achetez le journal Haaretz et vous découvrez ce titre : « Jetez le matériau dans les puits. Des archives montrent que l’armée israélienne a mené une guerre biologique en 1948 » [1]. À la lecture, vous découvrez que des ordres ont été donnés pour empoisonner les puits de villages palestiniens lors de la guerre civile qui opposa les forces du Yichouv (l’implantation juive en Palestine) à celles des populations autochtones dans la période qui précéda puis suivit la création d’Israël, le 15 mai 1948. Conçue sous la houlette du futur premier ministre David Ben Gourion et de son futur chef d’état-major Ygael Yadin, cette opération nommée « Répands ton pain » (« Cast Thy Bread ») [2], visait à empêcher tout retour des Palestiniens après qu’ils avaient été expulsés. Les archives montrent que le général Yohanan Ratner demanda un ordre écrit, qui lui fut refusé. Yadin écrivit à ses subordonnés qu’ils devaient agir « dans le plus grand secret ». Les premiers empoisonnements furent menés en avril 1948 près de Saint-Jean d’Acre et dans des villages proches de Gaza. Finalement, cette tactique assez peu efficace fut vite abandonnée. La suite… |
![]() « Il faut voir dans les mythes le récit nécessairement déformé d’une violence collective spontanée qui rassemble à nouveau une communauté que la rivalité mimétique a fait voler en éclats. » René Girard |
Joseph Massad
Les mythes bibliques utilisés pour justifier la conquête de la Palestine appartiennent aux poubelles de l’histoire Le
récent vote de l’Assemblée générale des Nations unies visant à
simplement « demander » à la Cour internationale de justice un « avis »
sur les conséquences juridiques de l’occupation israélienne des
territoires palestiniens ne change rien à la colonisation sioniste en
cours en Palestine.
Cela ne change rien non plus à l’engagement de l’Organisation sioniste mondiale en faveur de la suprématie juive, qu’elle a légué au régime israélien après la conquête par les sionistes de la majeure partie de la Palestine et la proclamation de leur colonie de peuplement en tant qu’« État juif » en 1948. Cela n’aura également aucun impact sur la série de lois suprémacistes juives qu’Israël a promulguées depuis sa création et qui continuent d’opprimer les Palestiniens à l’intérieur comme à l’extérieur du contrôle militaire israélien. Les pays qui ont voté contre la résolution onusienne ou se sont abstenus sont en grande partie d’anciens ou d’actuels pays colonisateurs européens, y compris des colonies de peuplement dans les Amériques et une poignée de régimes clients occidentaux. Il est significatif que le Royaume-Uni, qui a parrainé et facilité la colonisation sioniste de la Palestine et est tenu pour responsable par la plupart des Palestiniens de leur Nakba passée et actuelle, a eu la témérité de voter contre la résolution. La suite… |
![]() « Cet arbre invaincu qui renaît de lui même. » Sophocle |
Hana Elias
La récolte des olives en Cisjordanie est “plus dangereuse que jamais” dans l’ombre de la guerre La
recrudescence de la violence des colons israéliens et les saisies de
terres empêchent les familles palestiniennes d'accéder à leurs
oliviers. Ceux qui essaient risquent d'être tués.
À la fin de chaque récolte d'olives dans le village de Qusra, en Cisjordanie occupée, Ibrahim Wadi dirige sa famille dans la fabrication du savon Nabulsi, un produit de base pour de nombreux foyers palestiniens, préparé selon une technique vieille de plusieurs siècles. Il rassemble les membres de sa famille, jeunes et vieux, et leur demande d'apporter de l'huile d'olive de chez eux pour qu'ils puissent la fabriquer ensemble. Pendant que certains aident, d'autres chantent, boivent et mangent des amuse-gueules dans ce qui est devenu une tradition annuelle très appréciée. Mais cette année, il n'y aura pas de savon. Ibrahim Wadi, 63 ans, et son fils Ahmed, 26 ans, ont été tués le 12 octobre par des colons israéliens qui, selon les Palestiniens, profitent de l'attention portée par la communauté internationale à la guerre à Gaza pour mener des attaques en Cisjordanie en toute impunité. Depuis le début de la guerre entre Israël et Gaza, le 7 octobre, le ministère palestinien de la santé rapporte qu'au moins 190 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie - la plupart par des soldats, mais au moins huit par des colons. Pendant ce temps, les populations entières d'au moins 16 communautés ont été déplacées de force de leurs terres par les milices de colons-soldats qui terrorisent leurs villages nuit après nuit. En fait, lorsque Ibrahim Wadi et son fils ont été abattus, ils se rendaient aux funérailles de quatre hommes tués la veille par des colons. La suite… |
NADA ABU TARBUSH, REPRÉSENTANTE DE L’ÉTAT DE PALESTINE À L’ONU
« Merci, Monsieur le Président [à l’adresse du chairperson de la réunion CCW]. Étant donné qu’un certain nombre d’États ont parlé directement de la Palestine, nous avons préparé trois réponses que nous lirons l’une après l’autre et nous vous demandons de faire preuve d’indulgence à cet égard. Nous répondrons d’abord à la déclaration d’Israël. Monsieur le Président, tout d’abord, rappelons à Israël que notre nom n’est pas l’Autorité palestinienne, mais l’État de Palestine. Certes, votre ministre des finances a déclaré lors d’un événement à Paris au début de l’année qu’il n’existait pas de peuple palestinien. Et le 24 septembre, votre Premier ministre a brandi à l’Assemblée générale une carte intitulée “Le nouveau Moyen-Orient”, sur laquelle la Palestine a été supprimée et remplacée par Israël. Mais si votre gouvernement est annexionniste et raciste, cet organe ne l’est pas. Nous vous demandons de bien vouloir respecter le protocole et la nomenclature de l’ONU et de faire preuve de respect à l’égard de toutes les parties prenantes présentes dans cette salle. Rappelons également au délégué israélien que l’absence de règlement intérieur pour cette réunion ne lui donne pas carte blanche pour perdre tout sens de la bienséance lorsqu’il s’adresse à ses interlocuteurs dans cette salle. Aux autres États et à la société civile présents dans la salle, permettez-moi de simplifier la déclaration d’Israël. Outre les insultes et les accusations sans fondement, Israël a fait une déclaration qui devrait tous vous faire frémir. Il a en effet déclaré.: «.Je peux tuer n’importe quelle personne à Gaza. Les 2,3 millions d’habitants de Gaza sont soit des terroristes, soit des sympathisants, soit des boucliers humains et sont donc des cibles légitimes » … Vidéo de son intervention du 17 novembre 2023 |
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« Y
a-t-il jamais eu, à n’importe quelle époque, dans n’importe quel pays,
un seul exemple d’une classe privilégiée et dominante qui ait fait des concessions librement, spontanément, et sans y être contrainte par la force ou la peur ? » Mikhaïl Bakounine |
Dernière publication : Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme LEXIQUE de la classe dominante Numéros précédents ICI |
Maison fondée en 2010 Parution le vendredi en fin de journée - N°725 Courriel : kiosquenet@free.fr |
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