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Il y a un moment où il faut sortir les couteaux.
C’est juste un fait. Purement technique.
Il est hors de question que l’oppresseur aille comprendre de lui-même
qu’il opprime, puisque ça ne le fait pas souffrir : mettez-vous à sa
place.
Ce n’est pas son chemin.
Le lui expliquer est sans utilité.
L’oppresseur n’entend pas ce que dit son opprimé comme un langage mais
comme un bruit. C’est dans la définition de l’oppression.
En particulier les « plaintes » de l’opprimé sont sans effet, car
naturelles. Pour l’oppresseur il n’y a pas oppression, forcément, mais
un fait de nature.
Aussi est-il vain de se poser comme victime : on ne fait par là
qu’entériner un fait de nature, que s’inscrire dans le décor planté par
l’oppresseur.
L’oppresseur qui fait le louable effort d’écouter (libéral intellectuel) n’entend pas mieux.
Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont
radicalement différentes. C’est ainsi que de nombreux mots ont pour
l’oppresseur une connotation-jouissance, et pour l’opprimé une
connotation-souffrance. Ou : divertissement-corvée. Ou :
loisir-travail. Etc. Allez donc causer sur ces bases.
C’est ainsi que la générale réaction de l’oppresseur qui a « écouté »
son opprimé est, en gros : mais de quoi diable se plaint-il ? Tout ça,
c’est épatant.
Au niveau de l’explication, c’est tout à fait sans espoir. Quand
l’opprimé se rend compte de ça, il sort les couteaux. Là on comprend
qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pas avant.
Le couteau est la seule façon de se définir comme opprimé. La seule communication audible.
Peu importent le caractère, la personnalité, les mobiles actuels de l’opprimé.
C’est le premier pas réel hors du cercle.
C’est nécessaire.
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