Émile Pouget

Il paraît que nous sommes souverains !

- Le Muselage Universel, Almanach du Père Peinard, 1896 -

Il paraît que nous sommes sou­ve­rains. Autrefois, c’étaient les rois qui avaient cette veine, aujourd’hui c’est le peuple. Seulement, il y a un dis­tingo, qui n’est pas négli­gea­ble : les rois vivaient gras­se­ment de leur sou­ve­rai­neté, tandis que nous cre­vons de la nôtre.

Cette seule dif­fé­rence devrait nous suf­fire à nous fiche la puce à l’oreille et nous faire com­pren­dre qu’on se fout de notre fiole. Comment, c’est nous qui rem­pla­çons les rois et s’il plaît à un sergo. [1] de nous passer à tabac, au garde-cham­pê­tre de nous coller un procès-verbal, à un patron de nous botter le cul, tout sou­ve­rains que nous soyons, nous n’avons que le droit d’encais­ser... et de dire merci !

Par exem­ple, si cette garce de sou­ve­rai­neté nous rap­porte peau de balle et balai de crin, y en a d’autres à qui elle pro­fite bou­gre­ment. Au lieu de garder ce trésor sous globe, kif-kif une reli­que cré­tine, avec autant d’amour que si c’était trois poils de la Vierge, ou une des chaus­set­tes de Jésus-Christ, on use de sa sou­ve­rai­neté...

Mais on en use de la plus sale façon : on la délè­gue ! Et, voyez le truc mira­cu­leux : cette sou­ve­rai­neté qui ne valait pas un pet de lapin quand elle était dans nos pattes, devient une source de gros bénefs pour ceux à qui nous la délé­guons. A vue de nez, il semble que ces oiseaux-là, nos repré­sen­tants, devraient être nos lar­bins, nous obéir au doigt et à l’oeil, n’en faire jamais qu’à notre guise,va te faire lan­laire ! [2]

Ces bons délé­gués nous font la nique et, bien loin d’accep­ter d’être nos lar­bins (ce en quoi ils n’ont pas tort, car il est tou­jours mal­pro­pre d’obéir), ils se posent en maî­tres et nous don­nent des ordres, ce qui est cra­pu­leux ! Eux que nous avons tirés du milieu de nous ou d’à côté, sont désor­mais les vrais sou­ve­rains ; tout doit plier sous leurs volon­tés : le populo n’est plus qu’un ramas­sis d’escla­ves !

D’où vient ce chan­ge­ment à vue ? De ce que notre sou­ve­rai­neté n’est qu’une infecte roupie, une inven­tion des jean-foutre de la haute pour conti­nuer à nous tenir sous leur coupe.

Voici le truc : à force d’être plumé vif par les gou­ver­nants de l’ancienne mode, rois et empe­reurs, le populo a fini par y trou­ver un cheveu et a com­mencé à ruer dans le bran­card.

Quand les gros­ses légu­mes ont vu que ça pre­nait une vilaine tour­nure, ils ont biaisé et on dit aux rous­pé­teurs.: «.Vous avez raison de ne plus vou­loir endu­rer des gou­ver­nants de droit divin.; rois et empe­reurs sont des tigres alté­rés de sang, nous allons les foutre en l’air et le peuple pren­dra leur place.: c’est lui qui gou­ver­nera..» Cette couillon­nade avait des petits airs hon­nê­tes qui empau­mè­rent le populo.: C’est lui qui allait être tout.!

Quelle veine, bon sang ! C’est pour lors que ça ron­fle­rait chouet­te­ment. Toutes les pour­ri­tu­res de l’ancien régime seraient fou­tues au ren­card… Ta-rata ! Quand on en vint à la pra­ti­que, ce fut le même tabac que l’ancien régime : les mêmes jean-foutre qui tenaient la queue de la poêle ont conti­nué à gou­ver­ner sous le nom de répu­bli­que l’étiquette seule a changé. Bien mieux, autre­fois le peuple avait le droit de grou­mer [3], puisqu’il ne fai­sait qu’obéir.

Tandis que, main­te­nant, il n’a même plus cette conso­la­tion : quand il veut pro­tes­ter, ses maî­tres lui fer­ment le bec en lui disant : « Tais ta gueule, espèce de ron­chon­neur ! De quoi te plais-tu ? C’est toi qui as créé ce qui est. C’est dans ta puis­sante sou­ve­rai­neté que tu as voulu être esclave. Subis ton sort en patience : pose ta chique et fais le mort, sinon on te fusille ! »

Non y a pas à tor­tiller : cette vaste blague de la sou­ve­rai­neté popu­laire est tombée rude­ment à pic pour nous faire perdre le nord. Sans elle on serait arrivé à com­pren­dre que le gou­ver­ne­ment est une méca­ni­que dont tous les roua­ges fonc­tion­nent dans le but de serrer la vis au populo ; puis, avec deux liards de réflexion, on aurait conclu que le meilleur usage qu’on puisse faire de cette affreuse machine, c’est de la foutre au ren­card.

On en serait venu à conclure que pour avoir ses cou­dées fran­ches, pour vivre sans emmer­de­ments, faut se passer de gou­ver­ne­ment.

Tandis que, grâce à l’embis­trouillage de la sou­ve­rai­neté popu­laire, on a eu un dada tout opposé : on a cher­ché, et des nigue­douilles cher­chent encore, à modi­fier la méca­ni­que gou­ver­ne­men­tale de façon à la rendre pro­fi­ta­ble au populo. Comme d’autres se sont atte­lés à la décou­verte du mou­ve­ment per­pé­tuel ou de la qua­dra­ture du cercle, cer­tains se sont mis à la recher­che d’un bon gou­ver­ne­ment. Les mal­heu­reux ont du temps à perdre !

Il serait en effet plus facile de dégot­ter la boule carrée ou de faire sortir des cro­co­di­les d’un œuf de canard que de mettre la main sur un gou­ver­ne­ment qui ne fasse pas de mis­tou­fles au pauvre monde.

Non ! Ah !, les jean-foutre de la haute ont été rude­ment mario­les (rusés), en nous sacrant sou­ve­rains ! On est fiers de la chose. N’y a pour­tant pas de quoi faire les farauds [4] ! Quand on rumine un tan­ti­net, ce que ce fourbi à la manque est rigouillard [5] : y a pas pire trou­du­cu­te­rie.

Pour s’en convain­cre, il s’agit de regar­der de près le fonc­tion­ne­ment de cette sacrée mys­ti­fi­ca­tion. Et d’abord nous n’exer­çons pas notre sou­ve­rai­neté à propos de bottes, quand l’envie nous vient.

Ah, mais non ! Les diri­geants ont réglé ta chose, tel­le­ment que nous n’usons du fourbi qu’une fois tous les quatre ans. Cette pré­cau­tion est indis­pen­sa­ble, paraît-il, pour nous empê­cher de dété­rio­rer notre trésor : la sou­ve­rai­neté est un bibe­lot fra­gile, et comme le populo a les pattes gour­des, s’il la mani­pu­lait trop sou­vent, il la fou­trait en miet­tes.

En ne le lais­sant s’en servir qu’une fois tous les quatre ans, pour renou­ve­ler la délé­ga­tion aux dépu­tés, les gros­ses légu­mes n’ont pas le moin­dre avaro [6] à crain­dre : une fois la comé­die électorale jouée, ils ont de la brio­che sur la plan­che pen­dant quatre ans et ils peu­vent s’enfi­ler des pots de vin et tou­cher des chè­ques à gogo.

Voici com­ment s’opère l’exer­cice de la sou­ve­rai­neté. Supposez que je sois votard : Le diman­che que la gou­ver­nance a choisi, à l’heure qu’elle a fixée (sans, natu­rel­le­ment me deman­der mon avis) je m’amène au bureau de vote. Je défile entre une rangée de puro­tins [7] qui s’emmer­dent à vingt francs l’heure et malgré ça pal­pent juste trois francs pour leur jour­née. Ils ont du papier plein les pattes et m’en four­rent jusque dans mes chaus­set­tes… qui sont russes, foutre ! car en ma qua­lité de votard, l’alliance russe, y a que ça de vrai ! Jusqu’ici tout votard que je sois, je ne suis pas plus sou­ve­rain qu’un mouton qu’on écorche.

Attendez, ça va venir... Dans la tri­po­tée de bul­le­tins dont les dis­tri­bu­teurs m’ont farci, j’en pige un, que je roule en papillote. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Je n’en sais foutre rien ! Le coco dont le nom est dessus m’est inconnu ; je n’ai pas été aux réu­nions, ça me dégoûte ; je n’ai pas lu les affi­ches, elles sont trop can­nu­lan­tes… quèque ça fait, j’ai confiance ! Mais, nom d’un foutre, ma sou­ve­rai­neté est tou­jours pucelle : j’en ai pas encore joui. Quoique j’aie mon bul­le­tin dans les pattes, tout prêt à être enfourné dans l’urne, je ne suis pas encore sou­ve­rain ! Je ne suis qu’une belle poche­tée que la gou­ver­nance tient sous sa coupe, que les patrons exploi­tent ferme et que les ser­gots font cir­cu­ler à coups de ren­fon­ce­ments quand il m’arrive d’être attroupé. Ne déses­pé­rons pas ! je serai sou­ve­rain. J’avance…

Enfin, mon tour arrive ! Je montre ma carte, car je suis en carte ; on ne peut pas être sou­ve­rain sans être en carte. Maintenant, j’ai des four­mis dans les doigts de pied : c’est sérieux, évidemment le moment psy­cho­lo­gi­que appro­che, j’allonge la patte ; je tiens ma papillote entre les deux doigts, le pouce et le cha­hu­teur. Eh là, relu­quez ma tron­che ! Quelle scie qu’il n’y ait pas un pho­to­gra­phe… Une… deusse… Je vais être sou­ve­rain ! Juste à la seconde pré­cise où j’ouvri­rai mon pouce et mon cha­hu­teur… juste au moment où la papillote sera lâchée, j’userai de mes facultés de sou­ve­rain.

Mais, à peine aurai-je lâché mon chif­fon de papier que, ber­ni­que, y aura plus rien ! Ma sou­ve­rai­neté se sera évanouie. Dès lors, me voilà rede­venu ce que j’étais il y a deux secondes : une simple nigue­douille, une grande poche­tée, un votard cul-cul, un cra­cheur d’impôts. Sur ce, la farce est jouée ! Tirons le rideau...

J’ai été réel­le­ment sou­ve­rain une seconde ; je le serai le même laps de temps dans quatre ans d’ici. Or, je ne com­mence à user de cette roupie sou­ve­raine qu’à l’âge rai­son­na­ble de 21 ans, c’est un acte si sérieux qu’il y aurait bou­gre­ment de danger à me le lais­ser accom­plir plutôt, c’est les diri­geants qui le disent, et ils s’y connais­sent !

Une sup­po­si­tion que je moi­sisse sur terre jusqu’à la cen­taine : le jour où j’ava­le­rai mon tire-pied j’aurais donc quatre-vingt ans de sou­ve­rai­neté dans la peau, à raison d’une seconde tous les quatre ans, ça nous fait le total fara­mi­neux de vingt secondes…

Pour être large, en tenant compte des bal­lo­ta­ges, des élections muni­ci­pa­les, des trou­du­cu­te­ries électorales qui pour­raient se pro­duire, met­tons cinq minu­tes ! Ainsi, en cent ans d’âge, au grand maxi­mum, en ne lais­sant passer aucune occase d’user de mes droits, sur mes quatre-vingts ans de sou­ve­rai­neté pré­ten­due, j’aurai juste eu cinq minu­tes de sou­ve­rai­neté effec­tive ! Hein, les bons bou­gres, voulez-vous m’indi­quer une bourde plus gigan­tes­que, une fumis­te­rie plus cara­bi­née, une cou­leu­vre à avaler, plus grosse que le ser­pent boa de la sou­ve­rai­neté popu­laire ?

Mais foutre, c’est pas tout ! Y a pas que cette unique gno­le­rie dans le mic-mac électoral.

J’ai dit que, tout en me lais­sant bonne mesure ce sera rude­ment chique, si en cent ans d’exis­tence, j’arrive à jouir de cinq minu­tes de sou­ve­rai­neté effec­tive.

Encore faut-il pour que je ne sois pas trop volé, que ma sou­ve­rai­neté vienne à terme et ne soit pas une fausse couche.

Or, ça me pend au nez !

Me voici, sor­tant de poser mon papier tor­che­cu­la­tif dans la tinette électorale. J’ai fait « acte de citoyen » ! Mais cet « acte » ne va-t-il pas tour­ner en eau de boudin ?

Mon papier va-t-il servir à quel­que chose ?

J’attends l’épluchage des torche-culs...

J’apprends le résul­tat...

Zut, pas de veine, je suis dans le dos ! L’apprenti bouffe-galette pour qui j’ai voté rem­porte une veste. Je suis donc blousé, dans les grands prix !

Ma sou­ve­rai­neté a foiré. J’aurais aussi bien fait d’aller soif­fer un demi-stroc chez le bis­trot. Ça m’eût fait d’avan­tage de profit.

Ce qui peut me conso­ler un brin, c’est que l’épicemar du coin, qui a eu le nez plus creux que bibi et qui a voté pour le bon can­di­dat c’est-à-dire pour celui qui a décro­ché la tim­balle, est logé à si piètre ensei­gne que moi.

En effet, à l’Aquarium, son bouffe-galette s’aligne de telle sorte que, chaque fois qu’il vote, il est tou­jours dans la mino­rité.

Donc, mon épicemar est volé lui aussi ; sa sou­ve­rai­neté est comme la mienne, elle ne vaut pas tri­pette !

Ainsi, c’est net : je vote pour un can­di­dat black­boulé.

C’est comme si je n’avais pas voté.

Mon voisin vote pour un can­di­dat qui se range dans la mino­rité.

C’est encore comme s’il n’avait pas voté ! …

Et si, au lieu d’être un votard grin­cheux, j’avais suivi le trou­peau des mou­tons bêlants qui ont voté pour le bidard [8] de la majo­rité ?

Eh bien, je n’en aurais pas eu un radis de plus en poche ! J’aurais tout sim­ple­ment la triste satis­fac­tion de me dire que j’ai donné un coup d’épaule à un ché­quar. [9]

Dans tous ces arias [10], que devient ma sou­ve­rai­neté ?

Elle ne devient rien, mille ton­ner­res ! Elle reste ce qu’elle a tou­jours été, de la rous­tam­ponne : un attrape-nigaud, un piège à prolos, et rien de plus, nom d’une pipe !

Comme fiche de conso­la­tion, les gros­ses légu­mes veu­lent nous faire gober qu’un tel fourbi a pour résul­tat de mettre le gou­ver­ne­ment dans les pattes de la majo­rité.

Ça, c’est encore une men­te­rie fara­mi­neuse !

Ce n’est jamais la majo­rité qui gou­verne. Ce serait elle que nous n’en serions pas plus heu­reux pour ça, attendu que tous les mic-macs gou­ver­ne­men­taux ne sont que des fumis­te­ries d’esca­mo­tage : quoiqu’il en soit, je le répète : ce n’est jamais la majo­rité qui tient la queue de la poêle.

C’est tou­jours une majo­rité de cra­pu­les qui s’est accro­chée à nos flancs et qui s’y main­tient grâce à la gno­le­rie du populo.

D’ailleurs pour bien se rendre compte que cette racaille n’a rien de commun avec la majo­rité, y a qu’à éplucher par le menu la dis­tri­bu­tion des bouffe-galette à l’Aquarium.

Supposons que la popu­la­tion de la France, qui est, à vue de nez, d’une qua­ran­taine de mil­lions, soit tassée sur une sur­face grande comme une page de mon alma­nach.

Or, il y a juste dix mil­lions d’électeurs sur ces qua­rante mil­lions d’habi­tants.

Pourquoi 10 mil­lions et non pas 12 ou 18 ? Pourquoi ne com­mence-t-on à voter qu’à 21 ans ? Pourquoi les femmes ne sont-elles pas électeurs ? Pourquoi faut-il que les bons bou­gres aient des quit­tan­ces de loyer pour être ins­crits ? Pourquoi les sol­dats ne votent-ils pas ?

Ça, ainsi que bien d’autres contra­dic­tions, per­sonne n’a jamais pu les expli­quer, c’est la bou­teille à l’encre !

Donc, y a dans toute la France que dix mil­lions d’électeurs.

Supposons que ces couillons-là pous­sent en carré, kif-kif les asper­ges, et pour les clas­ser pre­nons les chif­fres de la foire électorale de 1893. Ils occu­pe­ront juste le quart de la page, soit le carré ci-des­sous :

Reluquez ça, les cama­ros [11], et en un clin d’ œil vous aurez cons­taté que c’est la mino­rité qui fait la pluie et le beau temps.

Le carré des abs­ten­tion­nis­tes fait à lui seul le tiers des électeurs ; vient à côté le carré des votards dont les can­di­dats n’ont pas décro­ché la tim­bale, ils sont 2.458.000. Ces deux carrés réunis font plus de la moitié : ceux-là se pas­sent de dépu­tés.

Viennent ensuite les carrés des élus : celui des socia­lis­tes est le plus maigre ; celui des réacs le suit, puis celui des radi­caux. Faisant la loi à tous ceux-là nous tom­bons ensuite dans le trou à fumier des oppor­tu­nards et des ral­liés : c’est eux les plus forts, et c’est eux qui gou­ver­nent... et ils ne sont pas le quart des votards.

Et encore, foutre, faut-il pas crier trop haut qu’ils gou­ver­nent ! Les 300 bouffe-galette qui repré­sen­tent ces 2.300.000 votards ont en effet à balan­cer les 270 birbes [12] des diver­ses oppo­si­tions. Seulement, y a de tels mic-macs à l’Aquarium que la plu­part du temps, les dépu­tés se fichent de l’opi­nion de leurs électeurs autant qu’un pois­son d’une pomme.

Ils votent sui­vant les ordres d’un minis­tre ou les ordres d’un dis­tri­bu­teur de chè­ques. De sorte que ces 2.300.000 andouilles qui ont voté pour des bouffe-galette de la majo­rité, n’ont même pas eux (!) la veine d’être repré­sen­tés selon leur cœur.

En der­nier res­sort, c’est une dou­zaine de cra­pu­les qui gou­ver­nent la France : des minis­tres comme Rouvier [13], Bailhaut ou Dupuy, des dis­tri­bu­teurs de chè­ques comme Arton ou des ban­quiers comme Rothschild.

Quant à espé­rer s’enquiller [13], dans la méca­ni­que gou­ver­ne­men­tale, de manière à se rendre utile au populo, c’est un rêve de mabou­les et d’ambi­tieux.

C’est un sale truc que de se foutre tout rond dans un maré­cage pes­ti­len­tiel pour se guérir des fiè­vres. C’est comme Gribouille qui se fichait à la Seine pour ne pas se mouiller.

D’ailleurs, on a été assez sale­ment échaudés par des bouffe-galette qui par­laient au nom du peuple pour être guéris de la mala­die votarde.

De tous les types qui avaient du poil au ventre, alors qu’ils étaient au milieu du populo, com­bien y en a-t-il qui, une fois élus dépu­tés, sont restés pro­pres ?

Tolain, Nadaud, Basly et un tas d’autres ont retourné leurs vestes.

Quant à ceux qui ne se sont pas pour­ris com­plè­te­ment, ils ont pris du ventre et se sont bou­gre­ment ramol­lis.

Le plus chouette est de se tenir à l’écart, de faire le vide autour des tinet­tes électorales.

Puisqu’on nous serine que nous sommes sou­ve­rains, gar­dons notre sou­ve­rai­neté dans notre poche, ne soyons plus assez cru­ches pour la délé­guer.

C’est pour le coup que les gros­ses légu­mes feraient une sale bobine !

Ne pou­vant plus se récla­mer du populo, tout leur péte­rait dans les mains ; les roua­ges gou­ver­ne­men­taux n’étant plus grais­sés par l’impôt se rouille­raient, et en peu de temps la méca­ni­que auto­ri­taire se déclen­che­rait et ne fonc­tion­ne­rait plus.

Ce serait pour le populo le com­men­ce­ment d’une riche saison de bien-être !

Notes

[1] Sergent, gendarme.
[2] Envoyer promener, se débarrasser sans cérémonie de quelqu’un qui importune.
[3] Gronder.
[4] Fiers.
[5] Rigolo.
[6] Souci.
[7] Besogneux.
[8] Heureux élu en gros.
[9] Politicien acheté, député à qui on reprocha d’avoir reçu des chèques de Reinach et d’Arton.
[10] Complications.
[11] Camarade, ami, complice.
[12] Canailles.
[13] Pénétrer.