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Finir
les fers au pied, c’eût été le but d’une vie. Mais c’est une volière à
barreaux. Indifférent, autoritaire, sans gêne, le bruit du monde fluait et
refluait à travers le grillage ; le captif, au fond, était libre : il
pouvait prendre part à tout, rien ne lui échappait au-dehors ; il eût pu
même déserter la cage ; les barreaux se distendaient sur la largeur d’un
mètre ; il n’était même pas pris. Franz Kafka
LE 8 AOȖT 1945
Ceci n’est pas une
thèse. Car une thèse non seulement s’écrit de sang-froid et avec toutes les
précautions littéraires d’usage, mais encore nécessite une accumulation de
références et de données plus ou moins statistiques à quoi je m’en voudrais de
sacrifier le mouvement de révolte et de fureur qui me dicte ce texte. De plus,
l’ancien public des thèses, désertant toute réflexion prolongée, se complait
aujourd’hui dans la lecture des multiples “Digests” en circulation et dans le
récit des intrigues sentimentales, diplomatiques et policières qu’une presse
rompue à toutes les ignominies lui sert, chaque matin, avec le déjeuner.
Ceci n’est pas une
thèse et ne se satisfait pas de n’être qu’une protestation. Ceci est ambitieux.
Ceci demande à provoquer les hommes couchés dans le mensonge ; à donner un
sens et une cible et une portée durable au dégoût d’une heure, à la nausée d’un
instant. Les valeurs qui présidaient à notre conception de la vie et qui nous
ménageaient, ça et là, des îlots d’espoir et des intervalles de dignité, sont
très méthodiquement saccagées par des événements où, pour comble, l’on nous
invite à voir notre victoire, à saluer l’éternelle destruction d’un dragon
toujours renaissant. Mais à mesure que se répète la scène, n’êtes vous pas
saisi du changement qui s’opère dans les traits du héros ? Il vous est
pourtant facile d’observer qu’à chaque nouveau tournoi, Saint-Georges s’apparente
sans cesse de plus près au dragon. Bientôt Saint-Georges ne sera plus qu’une
variante hideuse du dragon. Bientôt encore, un dragon camouflé, expert à nous
faire croire, d’un coup de lance, que l’Empire du Mal est terrassé !
Le 8 août 1945
restera pour quelques-uns, une date intolérable. Un des grands rendez-vous de l’infamie
fixés par l’Histoire. Les journaux rapportent avec délices les effets de la
bombe atomique, futur instrument de polémique, de peuple à peuple. Les
émissions radiophoniques de la soirée annoncent l’entrée en guerre de l’Union
Soviétique contre les cendres et les ruines du Japon. Deux événements, d’ampleur
inégale sans doute, mais qui participent de la même horreur.
L’opinion mondiale
s’était, il y a dix ans, dressée frémissante pour protester contre l’usage de l’ypérite
par les aviateurs fascistes lâchés sur l’Éthiopie. Le bombardement du village
de Guernica, rasé au sol par les escadrilles allemandes en Espagne, a suffi à
mobiliser — dans un monde encore fier de sa liberté — des
millions de consciences justes. Quand Londres, à son tour, fut mutilée par les
bombes fascistes, on sut de quel côté de l’incendie se situaient les valeurs à
défendre. Puis l’on nous apprit que Hambourg brûlait du même feu que Londres, l’on
nous instruisit des bienfaits d’une nouvelle technique de bombardement appelée “bombardement
par saturation” à la faveur de laquelle d’immenses zones urbaines étaient
promises à un nivellement inéluctable. Ces pratiques perfectionnées, ces
suprêmes raffinements dans le meurtre n’avaient rien qui pût rehausser la cause
de la liberté, le parti de l’homme. Nous étions plus que quelques-uns, ici, en
Grande Bretagne, en Amérique, à les tenir pour aussi détestables que les
diverses formes de supplice mises au point par les Nazis. Un jour, c’était une
ville entière qui était “nettoyée” par un raid de terreur. Le lendemain, une
gare où s’entassaient des milliers de réfugiés est, grâce à un superviseur
scientifique, criblée à mort. Ces jeux inhumains apparaissent soudain
dérisoires, maintenant que la bombe atomique a pris service et que des
bombardiers démocratiques en essaient les vertus à même le peuple japonais !
Qu’importe en effet l’assassinat prémédité de quelques dizaines, de quelques
centaines de milliers de civils japonais. Chacun sait que les Japonais sont des
jaunes et, par surcroît d’impudence, de méchants jaunes — les
chinois représentant les jaunes “gentils”. Un personnage qui n’est pas un “criminel
de guerre”, mais l’Amiral William Halsey, n’a-t-il pas déclaré : “Nous
sommes en train de brûler et de noyer ces singes bestiaux de Japonais à travers
tout le Pacifique, et nous éprouvons exactement autant de plaisir à les brûler
qu’à les noyer”. Ces mots exaltants et rassurants quant à l’idée que les chefs
militaires veulent bien se faire de la dignité humaine, ces mots ont été
prononcés devant un opérateur d’actualités…
Saint-Georges
exagère. Il commence à nous paraître plus répugnant que le dragon.
Au point auquel
nous ont portés les derniers développements de la politique et de la guerre, il
est indispensable d’affirmer que le bien-fondé d’une cause doit se juger,
essentiellement et d’abord, sur les moyens qu’elle met en œuvre. Il est indispensable
d’établir, au profit des causes qui risquent encore d’en appeler au meilleur de
l’homme, un inventaire des moyens non susceptibles d’obscurcir le but
poursuivi. Le recours à la délation face à une nécessité passagère se traduit,
en peu de temps, par une administration de la délation. Il se forme aussitôt
chez une partie des citoyens, un pli de la délation — chez l’autre
partie, une hantise de la délation. Voulez-vous aiguiller le débat vers les
fins ultimes desquelles chacun se réclame, on se lèvera, en inspectera le
pilier et l’aspect de l’escalier, on fermera ensuite la porte à double tour et
l’on ne s’exprimera qu’en termes mesurés et selon un mode d’esprit devenu
subitement académique. Le moyen est passé à l’état d’institution. Il coupe en
deux la vie d’une nation, la vie de chaque homme. Et il en va de même des
autres moyens volés à l’ennemi pour mieux le dominer et le détruire, mais dont
on découvre — à victoire remportée — qu’ils ont été
élevés au rang de difformités nationales, de tares intellectuelles
soigneusement protégées contre les révoltes possibles de la raison. C’est ainsi
que le culte de l’infaillibilité du chef, le renforcement délirant des fausses
hiérarchies, la mainmise sur toutes les sources d’information et tous les
instruments de diffusion, l’organisation frénétique du mensonge d’État à toutes
les heures de la journée, la terreur policière croissante à l’égard des
citoyens attachés à leur relative lucidité, sont devenus des formes communément
admises du progrès politique et social ! Et c’est précisément contre un si
puissant concours d’aberrations qu’il faut nous répéter, sans répit, l’évidence
suivante :
Que le prolétariat
ne saurait songer a s’élever en recourant aux moyens par lesquels ses ennemis s’abaissent.
Qu’une sorte de socialisme qui devrait son avènement à des prodiges d’intrigue,
de délation, de chantage politique et d’escroquerie idéologique, serait vicié à
l’origine par les instruments mêmes de sa victoire, et l’homme et les peuples
pécheraient par excès de candeur s’ils en attendaient autre chose qu’un
changement de ténèbres.
Le 8 août 1945,
alors que fume encore la plaie béante d’Hiroshima, ville-martyre choisie pour l’essai
de la première bombe atomique, la Russie de Staline assène au Japon le fameux
coup-de-poignard-dans-le-dos breveté par Mussolini. Cependant celui-ci aurait
tort de se retourner dans sa tombe, en rêvant de droits d’auteur. Car on ne s’est
pas contenté de plagier ses beaux gestes ; on a voulu ajouter à son apport
historique. Le texte de la déclaration de guerre soviétique nous informe en
effet que cette entrée en guerre de l’URSS n’a d’autre but que “d’abréger la
guerre” et “d’épargner des vies humaines” ! Trêve de petits moyens — voilà
donc une fin en elle-même, une fin dont nul ne contestera qu’il soit difficile
d’égaler la noblesse. Et pendant des siècles à venir, les trouvères staliniens
de la Mongolie extérieure auront loisir d’épiloguer sur le caractère pacifiste
et humanitaire de la décision du Maître.
Le 8 août 1945
est une des dates les plus basses dans la carrière de l’humanité.
DES GUERRES JUSTES ET DU DANGER DE LES GAGNER
Plusieurs années
avant que le monde ne soit précipité dans la guerre contre le fascisme, d’âpres
discussions firent rage dans les mouvements de gauche entre adeptes du
pacifisme intégral et militants de la lutte à mort contre la tyrannie. Un des
thèmes qui revenaient le plus souvent dans ce long échange d’idées et d’arguments
était celui des “guerres justes”. Avec une habileté qui n’était pas toujours à
toute épreuve, les pacifistes intégraux s’employaient à démontrer qu’il n’existait
pas de guerres justes. Que prétendre combattre la tyrannie par la guerre c’était
se livrer soi-même à la tyrannie d’un appareil militaire sans frein, de lois d’exception
sans pitié, de politiciens investis des pouvoirs les plus arbitraires et plus
ou moins dispensés d’en rendre compte. La guerre en elle-même et à elle seule,
constitue une tyrannie qui ne le cède en rien à celle que vous vous proposez d’abattre,
nous disaient sans nous convaincre les théoriciens du pacifisme intégral.
Ils se trompaient.
Il existe des guerres justes. Mais le propre des guerres justes est de ne pas
le demeurer longtemps.
N’oublions pas que
les guerres “justes”, si elles produisent des Hoche et des Marceau, produisent
par ailleurs des Bonaparte, ce qui est, pour elles, une façon particulièrement
démoniaque de cesser d’être justes. Mais d’autre part — et en l’absence
de tout Bonaparte à l’horizon — une guerre “juste” se distingue des
ordinaires expéditions de brigandage, en ce qu’elle impose à ceux qui en
prennent charge, un rythme et des exigences qui leur sont difficilement
tolérables. Pour tenir en éveil une entreprise fondée sur la ferveur populaire,
il faut que les équipes responsables de la conduite de la guerre aient la
claire audace de laisser aux forces mouvantes sur lesquelles elles s’appuient,
leur caractère de masses en combustion, — de masses en plein devenir
et conscientes du sens de leur élan. Mais la règle persistante chez les meneurs
de peuples — souvent même chez ceux qui semblent venir tout droit de
la ligne de feu ou du meeting d’usine est d’user de leur poids hiérarchique
pour ramener les forces motivantes qui leur sont confiées, dans les cadres
traditionnels d’un pays en guerre. Et quand je dis “cadres traditionnels”, j’entends
rationnement de la vérité, rationnement de l’enthousiasme, rationnement de l’idéal.
J’entends raidissement arbitraire des forces mouvantes d’une nation, sur l’ordre
de ceux qui redoutent dans le “mouvement” d’aujourd’hui, le “bouleversement” de
demain. Ces cadres traditionnels — simples masques à poser sur le
visage de telle ou telle guerre pour en effacer l’expression originale et la
rendre semblable à toutes les autres — on peut les emprunter tantôt
des archives du Musée de la Guerre, tantôt des pratiques de l’ennemi. Cela s’appelle :
dans un cas, “s’inspirer des leçons du passé”, dans l’autre, “profiter de ce
que votre adversaire vous apprend”.
Ce ternissement des
valeurs vives du présent que l’on est toujours prêt à envelopper dans de
vieilles formules sacramentelles comme dans un linceul, ce transfert dans le
camp de la justice des procédés et des routines mentales de l’ennemi, le
déroulement de la guerre contre le fascisme ne nous en offre que trop d’exemples.
Il me souvient nettement que le premier communiqué de guerre soviétique s’achevait
par la mention d’un soldat allemand, cité nommément, qui s’était dirigé vers un
poste russe en déclarant ne pas vouloir prendre les armes contre un État
prolétarien. Cette seule phrase du communiqué rendait, devant l’histoire, un
son plus éclatant que les exploits motorisés qui la précédaient ou qui l’ont
suivie. Elle attestait, par-dessus le fracas du combat, que la fraternité des
travailleurs gardait et devait garder le pas sur la division des hommes en
groupes ethniques et nationaux. Là était le bien à préserver entre tous — la
vertu susceptible de faire craquer les cadres vermoulus de la guerre entre
nations. Et pourtant c’est, encore une fois, vers ces cadres traditionnels, que
les travailleurs furent reconduits, furent égarés. Au lieu d’exalter les héros
populaires russes et allemands qui s’étaient jadis tendu la main en de mêmes
luttes libératrices, les services de propagande soviétiques se complurent très
vite dans un pathos effroyable d’où n’émergèrent que des figures parmi les plus
sinistres de l’histoire de Russie. Le prince Alexandre Nevsky connut à
nouveau toutes les enflures de la gloire parce qu’en l’an 1242 il eut la bonne
fortune de mettre en déroute les Chevaliers de l’Ordre Teutonique. Par contre
le souvenir d’un Pougachev et d’un Stenka Razin — champions
légendaires de la cause paysanne — fut mis en veilleuse, car il était
jugé que ces personnages avaient par trop malmené les autorités de leur temps.
Le 7 novembre 1941, s’adressant aux combattants de l’Armée Rouge,
Staline offrit à leur vaillance d’étranges antécédents : “Puissiez-vous,
leur dit-il, être inspirés par les courageuses figures de vos ancêtres :
Alexandre Nevsky, Dimitri Donskoy, Kuzma Minin, Dimitri
Pozharsky, Alexander Suvorov, Mikhail Kutuzov. (1)
L’héroïsme
ancestral n’a, dans aucune armée, eu beaucoup de prise sur le moral des
soldats. Mais quant aux ancêtres taillés en icônes par Staline et présentés au
pieux baiser des masses, il n’en est pas un seul qui n’ait eu, par rapport aux
luttes du peuple russe pour s’arracher à son grabat de misère, une fonction
réactionnaire et haïssable. Que l’on ait tenu à détourner vers de tels noms l’imagination
héroïque des défenseurs de l’URSS, il y avait déjà là de quoi frapper de
sénilité une guerre dont certains attendaient qu’elle améliorât le monde. La
suite fut à la hauteur de ce début. L’exhumation d’Alexandre Nevsky
entraîna la révision de huit siècles d’histoire européenne. Empruntant non plus
du passé, mais de l’ennemi, Staline opposa à la théorie hitlérienne de la
mobilisation de l’Europe contre l’assaut asiate, un retour pur et simple au
panslavisme le plus borné. Les débats des différents Congrès Panslaves
organisés au cours de cette guerre, sur l’initiative de Moscou, ont fait
reculer l’intelligence au même titre que les émissions de Radio-Berlin. Le long
développement de l’Europe n’apparut plus que comme prétexte à divisions
raciales, — sujet à un conflit ans cesse renaissant entre Slaves et
Germains. Le dernier Congrès Panslave (Sofia, février 1945) a consacré l’existence
d’un bloc slave héritier d’une union scellée à travers des siècles de batailles
et remontant à la victoire de Grunewald (1410) remportée par les armées slaves
unies contre les Germains. Ainsi l’on a fini par se battre bloc contre bloc,
race contre race, insanité contre insanité ! Ainsi les guerres “justes” ne
résistent-elles pas longtemps à l’infamante contagion des idées qu’il leur
était demandé d’anéantir. (2)
Je
dis que nous assistons actuellement à une pénétration du comportement politique
hitlérien dans les rangs de la démocratie. Cette pénétration ne scandalise
presque personne ; trop de gens y trouvent leur convenance matérielle et
leur confort moral. Cette pénétration s’étale dans tous les journaux, dans
toutes les nouvelles qui nous parviennent sur le sort que l’on se prépare à
faire au monde. Par exemple, l’annexion de territoires sans l’agrément
préalable des populations était communément considérée comme un outrage au
droit, relevant de la frénésie impérialiste d’un Hitler. Or aujourd’hui, voilà
que la chose se présente tout différemment et sous le seul rapport de l’utilité
nationale ; tel port m’est tout à fait utile et j’aimerai qu’il me fût
octroyé, déclare une puissance, — et si on lui objecte que ce port a
toujours fait partie d’une autre unité nationale, elle répondra que c’est
possible, mais qu’elle en a fort besoin et que sa victoire lui donne droit à ce
petit larcin. Ainsi en va-t-il désormais non pis d’un port ou d’une ville isolée,
mais de vastes ensembles de territoires devenus parfaitement mobiles et aptes à
changer de propriétaire en l’espace d’une nuit. Le transfert de populations
passait également pour une opération cruelle à laquelle seuls les régimes de
force se permettaient de recourir. Ces transferts sont cependant envisagés
aujourd’hui sur une échelle non inférieure à celle des rafles sombres du
nazisme. Ici, je laisse la parole à Louis Clair, un des principaux
collaborateurs de la revue américaine Politics
dont la capacité d’indignation nous aide à respirer encore : Les peuples
sont déplacés comme du bétail ; si vous me donnez 500.000 Allemands-Sudètes,
je m’arrangerais pour vous remettre une certaine quantité de Tyroliens ;
peut-être pourrions-nous, échanger quelques Allemands contre des
machines-outils. Hitler, ici aussi, a mis en marche un mécanisme qui est en
train de prendre d’inquiétantes proportions… La précipitation avec laquelle les
puissances victorieuses se disputent la seule marchandise qui, en dépit des
perfectionnements de la technique, reste plus demandée que jamais — le
labeur d’esclave est quelque chose de véritablement obscène. (3)
Une guerre a été
gagnée. Mais est-on tellement sûr que Hitler ait perdu la sienne ?
« FAUTE DE MIEUX… »
Lorsque l’on s’interroge
sur les raisons qui tendent à convertir une guerre “juste” en une guerre
ordinaire, en une guerre tout court, et plus généralement lorsque l’on s’interroge
sur les raisons qui enlèvent aux masses le contrôle des causes élevées
auxquelles elles se dédient, l’on se trouve vite enfermé dans un circuit
hallucinant. D’une part en effet, l’ampleur et la concentration de la vie
économique moderne ont fait de chaque parti, de chaque syndicat, de chaque
administration, des organismes quasi totalitaires qui poursuivent leur route en
s’abandonnant à leur propre poids spécifique et nullement en se référant aux
cellules individuelles qui les composent. Ces partis, ces syndicats, ces administrations
étatiques modernes sont protégés contre les démarches de la raison critique
(aussi bien d’ailleurs que contre les sursauts affectifs et les révoltes du
cœur) par leur seule et souveraine pesanteur. Ces édifices déconcertants
fonctionnent par la grâce d’une humanité toute spéciale, d’une humanité d’initiés.
Pour être admis à présenter une motion au terme du Congrès d’un parti de gauche
tolérant quelque échange d’opinion, il faut une année de manœuvres extrêmement
délicates à travers un dédale de secrétariats et de comités qui rappellent à s’y
méprendre les mystères de l’inaccessible Tribunal où Kafka laisse trembler dans
Le Procès — l’image
indéfiniment réfléchie de notre angoisse. Et si ces épreuves initiatrices sont
favorablement surmontées, si nul faux pas n’est venu contrarier l’avance de la
motion, alors sans doute son objet se sera suffisamment estompé pour ne plus
susciter qu’un intérêt rétrospectif et presque de la pitié pour qui se
hasarderait à lui accorder son soutien. D’autre part, les citoyens clairvoyants
et énergiques, mieux encore, les individus disposant d’un certain prestige
intellectuel, qui serait tenté d’intervenir afin de rectifier l’orientation d’un
parti, d’un syndicat ou d’un gouvernement, savent trop bien que ces différents
organismes ont les moyens de tisser autour d’eux une toile mortelle — une
toile de silence qui ne tarderait pas à les retrancher de toute vie publique.
Cette toile de silence s’est refermée à jamais sur quelques-uns des plus
brillants esprits de la société soviétique — écrivains, savants,
journalistes, militants ; elle serre de plus en plus près, en Europe et en
Amérique, d’autres esprits, résistants et purs, exagérément épris de liberté…
Il est quelque chose de pire pour l’être civilisé que sa perte de pouvoir sur
les organismes qui le représentent et agissent en son nom. C’est la résignation
à cette perte. Résignation dont nous informent des signes innombrables et
flagrants. Résignation que nous reconnaissons — en guerre comme en
paix — à l’attitude-standard de personnes douées, cultivées et
portées à l’action — et cependant confite dans leur propre défaite.
Cette résignation tient en trois mots : “Faute de mieux…” Si on adhère au Parti Communiste (ou à tout autre…)
sans être le moins du monde rassuré sur sa politique présente et future, c’est “Faute de mieux…” Si l’on finit par s’accommoder
d’une redistribution de territoires dont on s’avoue qu’elle ne rendra aux
peuples ni le sourire, ni l’abondance, c’est “Faute de mieux…”. Si l’on vote pour un candidat dont l’aspect
moral vous répugne et dont la fermeté politique s’annonce douteuse, c’est “Faute de mieux…”. Si l’on s’abonne à un
journal qui sacrifie volontiers son souci de la vérité à des considérations
publicitaires ou commerciales, c’est “Faute
de mieux…”. Cette femme que l’on
embrasse fébrilement en bafouillant des serments éternels : “Faute de mieux… Ce cinéma où l’on s’enfonce,
tête baissée, pour s’épargner une heure de présence sur terre : “Faute de mieux…”. Ce livre auquel l’on s’attarde parce qu’il
a été couronné, alors que tout vous invite à en vomir le contenu : “Faute de mieux…”. Ce chef sublime au culte duquel l’on se
rallie en soupirant, imprégné que l’on est du répertoire de sa grandeur : “Faute de mieux…”. “Faute de mieux”
devient un placement, une philosophie, un état civil, un maître, une boutade,
un alibi, une prière, une arme, une putain, un sanglot, une salle d’attente,
une pirouette, l’art de se faire l’aumône, une boussole pour piétiner sur
place, une épitaphe, un 8 août 1945. Deux hommes, voisins par la
pensée, sont cependant capables de s’entredétruire parce qu’ayant la même
conception du “mieux” et ce “mieux” leur faisant défaut, ils se rabattent sur
deux modes concurrents d’existence compensatoire, sur deux systèmes de convictions
et de gestes tangents du “mieux” commun, mais non tangents du même côté. Alors,
d’approximations en approximations, de substitutions en substitutions, l’on se
trouve refoulé, insensiblement, poliment, vers on ne sait quel coin abject où
mûrissent des cloportes… On s’effare, mais à tort. Celà n’est pas un cachot ;
c’est une demeure… Il fait plus que nuit… Au loin, des trains sifflent avec un
air de partir… On voudrait hurler, ameuter des gardiens imaginaires… Demain
matin, où en sera-t-on de soi-même ? Vous laissera-t-on seulement passer ?
Oui, sans doute, l’on vous permettra de fuir, d’aller vous bâtir au Congo une
seconde vie… Une vie sur pilotis avec, dans l’ombre, le même cancer triomphant
où pactisent les forces de l’ennui et l’horreur panique de la liberté.
LE DROIT A LA TERREUR
Tout se passe,
depuis deux siècles, comme si chaque invocation de la liberté, chaque
soulèvement marqué de son nom, devaient se traduire — à travers les
appareils politiques et étatiques surgis au plus fort de ces soubresauts —
par un surcroît de règles oppressives auxquelles l’homme est redevable d’un
graduel rétrécissement de la vie. Une nouvelle génération d’Encyclopédistes qui
procéderait de la même impertinence que l’autre, serait, aujourd’hui, mise hors
la loi ou, tout au moins, rapidement réduite à la mendicité.
Tout se passe comme
si l’homme ne recherchait, dans cette longue série d’ambitions malheureuses, qu’une
certaine forme de sécurité dans la terreur. L’âpre et sévère ouvrage d’Erich
Fromm The fear of Freedom, nous
enseigne à quel point l’homme redoute le tête-à-tête avec la liberté, à quel
point il lui tarde de se dérober aux responsabilités qu’elle lui assigne, à
quel point — dans les conditions actuelles de chaos — la
grisaille, l’opacité et l’anonymat lui sont des refuges désirables contre le
vertige de la liberté.
à cette disposition individuelle de l’être
affolé par la complexité du monde qui le sollicite, les grands organismes
collectifs sont venus apporter une contribution décisive. Ils ont fixé, avec la
rigueur voulue, ce pauvre minimum d’attitudes humaines qui ne se laisse
transgresser qu’aux risques et dépens du contrevenant. Le bon citoyen peut se
payer un sommeil de plomb, maintenant que la bombe atomique le protège…
Les signes de la
terreur montante ne trompent pas. Le premier en gravité est l’effacement
progressif du droit d’asile. Mauvaise idée que de s’installer réfugié politique,
par ces temps qui tuent ! Depuis 1930 déjà, Léon Trotsky avait été
pourchassé comme un sanglier à travers tout le continent européen, de Turquie
en Norvège via Paris. Puis vint Vichy qui, d’une main sans remords, livra Pietro Nenni
à l’Italie, Breitscheid à l’Allemagne et Companys à l’Espagne. Vichy a disparu,
mais non cette indéracinable aversion des autorités — démocratiques
ou pas — envers le réfugié politique, dernier et beau vestige de la
sédition humaine.
Signe de terreur
aussi, la déportation organisée des travailleurs, dont il n’est pas question qu’elle
prenne fin avec la défaite du Nazisme. Les économistes sont là pour veiller au
rendement croissant du bétail qui leur est imparti en matériel expérimental.
Les conférences internationales ont besoin de graphiques ascendants !
Signe de terreur l’engloutissement de milliers d’êtres dans une nuit d’où rien
ne transparaît. Partis sans laisser d’adresse. Car il y a du bois à couper sur
les rivages de la mer Blanche. Avis aux amateurs !
Dernière tristesse,
dans le domaine qui a toujours su se soustraire aux pressions des régimes
arbitraires du passé, dans le domaine de la pensée attaquante, de la pensée
politique, hier encore porteuse d’espoir, on assiste à une étrange adaptation à
l’ordre cruel et vain qui se précise sous nos yeux. En témoigne la timidité
embarrassée d’une revue comme La Pensée
qui, avant la guerre, manifestait une curiosité agitante envers toutes les
formes du devenir scientifique et social, et ranimait d’un souffle inquisiteur
des problèmes essentiels déjà gagnés par le vieillissement général d’une
société qui ne tolère point que l’on ne vieillisse pas avec elle. Les grands
noms qui patronnent La Pensée ne
couvrent plus, en 1945, qu’un concert de formules statiques et de raisonnements
débilitants. On se trouve en présence d’une revue qui semble avoir pour tâche
de nous avertir que la pensée marxiste a atteint le point mort. Il en va d’elle
aujourd’hui comme d’une force qui, au lieu de dominer le cauchemar contemporain
et d’y tracer ses avenues conductrices de lumière, le laisse déposer dans une
éprouvette de sûreté où nulle séparation explosive du viable et du non viable,
de l’entraînant et de l’accablant, de l’actuel et du périmé, n’est à craindre
pour l’heure présente. Par ailleurs, ne voyons-nous pas Aragon insister, dans
un article retentissant, pour que l’on retire des librairies de France, les
ouvrages de M. Charles Maurras. L’auteur d’une pareille demande ne se
rend apparemment pas compte qu’il fait là acte de défaitisme à l’égard de ce
qui devrait être le pouvoir d’attraction de son propre message politique. Il
nous faut croire que Maurras et lui-même occupent des positions symétriques l’une
de l’autre, et qu’ayant renoncé à se départager par les voies de la raison, ils
s’en remettent, l’un après l’autre, à l’arbitrage peu recommandable des
policiers. Ainsi quand elle ne travaille pas à visage découvert, la terreur
reste toujours latente, à fleur de débat, prêt à accueillir le premier vœu, le
premier appel d’un de ses loyaux sujets.
Quant aux individus
hors série — particulièrement certaines catégories d’intellectuels
et d’écrivains qui n’acceptent pas encore de vivre selon la trajectoire commune —
ils sont, eux aussi, happés par le vent de terreur. Leur seul espoir est de
renverser le vent ; c’est-à-dire d’exercer, eux, la terreur. Ils sont
fascinés non par un Gide ou un Breton ; mais par Lawrence d’Arabie et le
Malraux de la période chinoise. Pour la plupart, ils ont aimé cette guerre, car
elle leur a permis de se mettre en règle avec eux-mêmes en faisant sauter un
train, en démolissant un viaduc avant de retourner à leur appartement, à leurs
maîtresses émoussées et à leur fidèle routine quotidienne de récits
saisissants. Incarner, ne serait-ce que l’espace d’un chapitre, un rôle d’aventurier
en marge de tout, récupérer par cet artifice de vocation une partie des élans
dont la vie sociale l’a amputé, l’intellectuel moderne ne demande pas, au fond,
d’autre pourboire à un monde qu’il n’a plus l’honnêteté de récuser.
LE CRAN D’ARRÊT
Dans ce glissement
collectif vers une condition de sécurité dans la terreur, qui déclenchera le
cran d’arrêt ? Qui fera justice de ce que les hommes vont s’habituer à
prendre pour leur droit à la terreur et presque pour l’aboutissement normal de
leurs anciennes aspirations à la liberté ?
Pas un parti
certes, ni aucune des organisations totalitaires préposées à la garde de l’homme.
Pas un parti, mais peut-être des partisans d’un genre nouveau qui
abandonneraient les modes classiques de l’agitation pour des gestes de
perturbation hautement exemplaires. Beaucoup avaient espéré que le mouvement de
la résistance en Europe occupée ménagerait enfin une ouverture dans l’impasse
politique et sociale de notre temps. Les grands partis de masses ont été les
premiers à flairer ce danger. Eh quoi, on s’apprêtait donc à se dispenser de
leurs services ? La volonté populaire se targuait maintenant de se passer
d’intermédiaire ? L’alerte fut de courte durée. De même que les forces
militaires de la résistance furent rapidement intégrées aux cadres permanents
de l’armée — de même ses forces politiques ne tardèrent pas, la
flatterie se mêlant à l’intrigue, à regagner la souricière des grands Partis. L’épisode
— j’ai failli dire l’incident — est clos. Mais quelque
chose d’autre devient possible, devient même la seule chose possible. L’ère de
la guérilla politique commence et c’est à elle que doivent aller nos réserves
de confiance et d’enthousiasme.
Sans doute n’est-il
pas facile d’annoncer l’allure que prendra cette guérilla et les exploits qui
ne manqueront pas de la distinguer. On pourrait cependant considérer l’attitude
vaillamment indépendante d’un Camus — et, sur d’autres plans, d’un
Breton, d’un Calas, d’un Rougemont — comme une indication pour l’avenir.
L’appareil de la terreur est encore loin d’être sans hésitations et sans
fissures. C’est donc au point où cet appareil se fait le plus menaçant — et
au fur et à mesure de ses menaces renouvelées — que doit se porter
tout notre esprit de refus, tout ce qu’il y a dans le monde, à un moment donné,
d’êtres en état de refus. Et que cela se fasse avec éclat ! Et que cela s’inscrive
en exemples troublants dans la conscience des multitudes ! Et que cela se
transmette et s’amplifie à travers la vaste prairie humaine, par contagieux
sillons de grandeur !
à ce point, j’entends fuser les sarcasmes
meurtriers : “Eh, quoi ! vous cherchez à discréditer les Partis
politiques, à en ruiner le prestige, à en compromettre l’action ; “vous
poursuivez donc l’œuvre insidieuse de ces fascistes d’avant et d’après le
fascisme, qui jettent le doute sur tous les instruments de délivrance et de
progrès !” En réalité, je ne poursuis rien, je désire ne rien poursuivre
qu’une certaine logique de la liberté. Le phénomène fasciste, vu en fonction de
l’évolution des partis, n’a servi qu’à précipiter de façon décisive le
développement de l’éléphantiasis moral et matériel qui afflige les puissantes
institutions de “gauche” où la voix des masses se perd presque aussi aisément
que celle des individus. Le but dernier de la guérilla qui s’engage maintenant
n’est pas d’éliminer les partis au profit de quelque nouveau système d’exercice
de la vie politique. Il est d’arracher aux partis le monopole de la pensée
sociale qui se rouille dans leurs comités d’étude ; il est de leur
enlever, dans le domaine idéologique, un droit d’initiative auquel ils s’accrochent
d’autant plus qu’ils sont bien décidés à n’en faire que l’usage le plus
masquant, le plus retors. Il s’agit, pour serrer le problème d’aussi près qu’il
se peut, de réduire les partis à une condition purement réceptive quant à la
maturation et au mouvement général des idées, et purement administratif quant à
l’exécution de ces idées. En un mot, il s’agit d’amener les partis à
reconnaître les foyers idéologiques qui prendraient naissance en dehors d’eux
et à drainer vers l’action pratique tout ce qui se dégagera de valable de l’effervescence
ainsi entretenue. Que l’on y prenne garde : la situation objective des
partis a considérablement changé depuis vingt ans. Ils tendent tous à devenir
des organismes paraétatiques, des appendices de l’État. La notion même — et
la fonction — de parti d’opposition est mortellement affectée par ce
changement. En Angleterre, aux États-Unis, en France, en Belgique, l’opposition
est plus souvent solidaire des pouvoirs, qu’elle n’en est l’ennemie. à cette règle nouvelle des partis
doivent correspondre des obligations toujours plus nettes pour les
francs-tireurs de la pensée. La première de ces obligations est le transfert
des activités idéologiques à des foyers étrangers aux vicissitudes des partis
et à leur enlisement progressif dans les cadres de l’État. Mais surtout, cette
guérilla n’aura d’effet durable que dans la mesure où elle saura favoriser,
dans sa lutte contre le pragmatisme bureaucratique des partis, une plongée dans
les frais courants de l’utopie, une renaissance de la spéculation utopique avec
tout ce qu’elle comporte d’édifiant et de joyeux.
Il
y a une dizaine d’années de cela, nous pouvions prendre comme thème de
ralliement des paroles telles que celles de Nicolas Boukharine, l’avant-dernier
des grands théoriciens du socialisme.
Une analyse de l’état
réel des choses nous fait entrevoir non pas la mort de la société, mais la mort
de sa forme historique concrète et un passage inévitable à la société
socialiste, passage déjà commencé, passage vers une structure sociale
supérieure. Et il ne s’agit pas seulement de passer à un style supérieur de la
vie, mais précisément supérieur à celui qui est aujourd’hui le sien.
Peut-on parler de
cette forme sociale supérieure en général ? Ceci ne nous entraîne-t-il pas
vers le subjectivisme ? Peut-on parler de critiques objectives quelconques
dans ce domaine ? Nous le pensons. Dans le domaine matériel, un tel
critérium est représenté par la puissance du rendement du travail social et par
l’évolution de ce rendement, car ceci détermine la somme de travail superflu
dont dépend toute la culture spirituelle. Dans le domaine des relations interhumaines
immédiates, un tel critérium est donné par l’amplitude du champ de sélection
des talents créateurs. C’est justement lorsque le rendement du travail est très
élevé et le champ de sélection très large, qu’on verra s’effectuer le maximum d’enrichissement
intérieur de la vie chez le nombre maximum d’hommes, prit non pas comme une
somme arithmétique, mais comme un en semble vivant, comme collectivité sociale.
(4)
Aujourd’hui nous ne
pouvons faire à moins de nous demander où en est cet “enrichissement intérieur
de la vie chez le nombre maximum d’hommes”. Il n’est pas douteux hélas, que le
chemin parcouru depuis avril 1936, c’est-à-dire depuis que nous furent
jetés ces mots d’espoir, n’a fait que nous éloigner des perspectives Boukhariniennes,
n’a fait que sceller, d’étape en étape, l’avènement d’un conformisme
intraitable qui réduit la “vie intérieure” à son expression la plus humble et
la plus craintive.
Il n’est pas
douteux qu’à ce critère de “l’enrichissement intérieur” se soit substitué le
critère inverse, et n’en voudrions-nous qu’une preuve entre des milliers, la
plus éloquente n’est autre que la “liquidation” de Boukharine lui-même et le
peu de cas qui a été fait de cette “liquidation” dans le camp du socialisme et
dans le camp de l’intelligence.
à ce conformisme qui sévit dans tous les
domaines, sauf dans celui des raffinements terroristes où ces messieurs
prennent toujours plaisir à innover, il n’est possible d’opposer avec succès
que les forces précisément les plus décriées par lui : la rêverie d’Icare,
l’esprit d’anticipation délirant de Léonard, les coups de sonde aventureux des
socialistes utopiques, la vision généreuse et tamisée d’humour d’un Paul
Lafargue ! Le socialisme scientifique s’est dégradé jusqu’à n’être plus
pour ses disciples qu’un pompeux exercice de récitation. Une large aération de
l’ambiance et de l’idée sociales s’impose, si l’on veut ménager à l’homme un
avenir qui ne soit pas desséché d’avance et qui ne romps pas à d’injustifiables
disciplines, sa faculté de toujours entreprendre.
Contre l’odieux
accouplement du conformisme et de la terreur, contre la dictature des “moyens”
oublieux des fins dont ils se recommandent, la Joconde de l’utopie peut, non
pas l’emporter, mais faire planer à nouveau son sourire et rendre aux hommes l’étincelle
prométhéenne à quoi se reconnaîtra leur liberté recouvrée.
Il n’est que temps de
redorer le blason des chimères…
Notes
1. Stalin and Eternel Russia (p. 87) by Walter
Kolarz (Lindsay and Drummond London).
2. “Entraînés par nécessité, à
contrecoeur, à accomplir au jour le jour, une série d’actes en tous points
semblables à ceux de l’ennemi, comment éviterons-nous de tendre avec lui à une
limite commune, s’inquiète André Breton ? Prenons-y garde : du
fait même que nous sommes contraints d’adopter ses moyens, nous risquons d’être
contaminés par ce dont nous croirons que nous triomphons”. In Lumière Noire par André Breton, cf.
L’Arche n°7.
3. European Newsreel by Louis Clair, cf Politics June 1945.
4. Les problèmes fondamentaux de la culture contemporaine, par Nicolas J. Boukharine,
les documents de la Russie neuve,
Paris, 1936. |